Je souhaite partager avec vous un poème de Charles PEGUY, cité par l'abbé Joseph Schlosser, dans son homélie du premier dimanche de l'avent.
Alain Gérard
C'est moi l'artiste, dit Dieu
C'est moi l'artiste, dit Dieu.
Tu es mon vase d'argile !
C'est moi qui t'ai modelé, façonné
Une merveille au creux de ma main
Tu n’es pas encore achevé
Tu es en train de prendre la "forme" de mon Fils.
Voici que tu te désoles et que tu désespères
Parce que tu as pris quelques fêlures au contact des autres.
Tu t'es heurté, tu as été ébréché
Tu as même pu tomber par terre
Te briser et tomber en mille morceaux
Fêlures, éraflures, lézardes, brisures, cassures, ratures...
N'oublie pas, c'est ta condition de vase.
Si je t'avais rangé dans un placard à vaisselle
Tu ne connaîtrais pas ces heurts de la vie
Mais tu ne servirais à rien ni à personne
Tu serais un vase inutile !
Moi, dit Dieu, j'aime les vieux vases, un peu usés, un peu ébréchés.
Ils ont toute une histoire !
Et toi, tu voudrais être lisse comme un nouveau-né ?
Je te connais, ô toi que j'ai façonné, pétri avec tant d'amour
Je ne voudrais pas que tu te désoles de tes ratés
Tu es fait de boue et de lumière
Tu es fait pour servir !
A ne regarder que tes failles, tes faiblesses et tes chutes
Tu te centres encore trop sur toi-même
Et tu restes prisonnier de tes failles !
C'est moi l'Artiste et je m'y connais dans l'art de reprendre un vase.
Laisse-toi faire !
Avec mes doigts d’artiste, j'arrive toujours
À rendre plus beau ce qui n'était que fêlure, brisure, cassure.
Je suis l’Esprit Créateur, ne l'oublie pas. Je crée !
Je mets la vie ! Je donne le souffle !
Je suis l’Artiste !
C'est moi qui moule, qui pétris, qui donne la "forme"
Toi, mon vase d'argile,
Viens te glisser au creux de mes mains paternelles et maternelles
Laisse-toi pétrir entre mes doigts d'artiste.
Abandonne-toi longuement à mon travail de potier.
Expose-moi tes fêlures, tes brisures, tes cassures !
J'aime faire du neuf, j'aime te regarder
Voici que je te réchauffe, ô toi mon argile
A force de te pétrir, je te communique ma chaleur, ma sueur,
Mon souffle, mon intimité, ma chaude tendresse.
C'est moi l'Artiste
Viens et n'aie plus peur
Chaque fois que tu retombes dans ces fautes
Que tu ne voudrais pas commettre Je te dis : Le pardon est là !
Viens et continuons ensemble J’aime te regarder,
Voir les efforts que tu fais et tout le mal que tu te donnes.
J'en éprouve grande joie et tu réjouis mon cœur
Je vois combien tu te transformes.
A l'abri de tes regards Je te modèle
A l'image du Fils bien-Aimé
Tout ce que je te demande
C'est de venir toujours et à nouveau
Après chaque chute Entre mes mains
Pour me donner la joie de te remodeler.
Allons, n'aie pas peur
C’est Moi ton Père,
C'est moi l'Artiste.
Charles Péguy