Le 11 décembre 2025, à Épinal
Nous avons eu connaissance de plusieurs témoignages mettant en cause l’abbé Noël HONORÉ, pour des faits graves d’agressions sexuelles. Prêtre décédé en 2016, il a été en mission de 1957 à 1970 au séminaire d’Autrey, de 1970 à 1975 à Épinal (notamment à l’institution Saint-Joseph), de 1975 à 1977 à Autrey, de 1977 à 1981 à Rupt-Ferdrupt, de 1981 à 1993 à Allarmont et de 1993 à 1999 à Girmont (Thaon) et Chavelot.
Dans un souci de justice et de vérité, il est de mon devoir d’appeler toute personne victime qui souhaite être entendue et/ou bénéficier d’une démarche de reconnaissance et de réparation, ou toute personne ayant eu connaissance de telles violences, à contacter, selon sa préférence :
• La cellule d’écoute diocésaine (cellule.ecoute@catholique88.fr) ;
• L’association France Victimes 88 (fv88sddv@orange.fr ; 01 41 83 42 17) ;Quel que soit le temps écoulé, nulle violence, agression ou abus ne doit rester tu et nulle victime réduite au silence. En faisant cet appel à témoignages, je veux condamner, avec force et détermination, de tels actes, et exprimer mon soutien aux personnes victimes.
Mgr François GOURDON
Évêque de Saint-Dié
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Cellule d'écoute pour les personnes victimes de violences et agressions sexuelles
Cellule d'écoute pour les personnes victimes de violences et agressions sexuelles

En 2017, dans le cadre des mesures lancées par la Conférence des Évêques de France pour lutter contre la pédophilie et les abus sexuels dans l’Église en France, notre diocèse a mis en place une cellule d'écoute locale à destination de toute personne victime, passée ou récente, de violences et agressions sexuelles commises par un membre de l’Église Catholique dans les Vosges (clerc ou laïc).
En lien direct avec notre évêque Mgr François Gourdon, cette cellule est composée de deux membres laïcs (un homme et une femme).
Toute personne victime sera écoutée dans la bienveillance et la confidentialité, et suivie selon ses souhaits.
Cette cellule ne se substitue pas à la justice et ne dispense pas les chrétiens et les ministres ordonnés d’informer les instances judiciaires de toute situation dont ils auraient connaissance.
Pour faciliter votre démarche par nature difficile, une adresse de messagerie vous est dédiée. N’hésitez pas à y déposer votre demande et la manière dont vous souhaité être écouté (choix d’une des deux personnes de la cellule, communication exclusive par mail, entretien téléphonique, rencontre, etc ..) :
- Mail : Écrire un mail
Ou vous pouvez écrire directement à notre évêque :
- Par courrier : Monseigneur François Gourdon - 7 rue de la Préfecture, 88025 Epinal
Autres contacts :
Conférence des évêques de France
- En écrivant sur l'adresse e-mail nationale d'écoute : paroledevictimes@cef.fr
- Dans un autre diocèse, voir la carte de France des cellules d'écoute : Carte des cellules d'écoute
Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation
Issue de la décision du 8 novembre 2021 prise en Assemblée plénière par la Conférence des évêques de France (CEF),
l’inirr a pour objectif de porter le devoir de justice et de réparation à l’égard de victimes de violences sexuelles dans l’Église, quand elles étaient mineures.
Ligne d'écoute nationale - un service de France Victimes
France Victimes, c'est une fédération française qui regroupe près des associations professionnelles spécialisées dans l'aide aux personnes victimes. Une ligne nationale d'écoute est en place pour les victimes de violences et agressions sexuelles dans l'Église Catholique. Des écoutants professionnels de l'aide aux victimes vous écouteront et vous apporteront une aide de proximité.
- Numéro de téléphone (7j/7) de 9h à 21h : 01 41 83 42 17
La Commission de Reconnaissance et de Réparation (CRR)
Commission indépendante, portée par une association loi 1901, qui en garantit l'indépendance juridique et financière. La CRR a été créée pour reconnaître et réparer les personnes victimes de violences sexuelles présumées commises par des membres d'instituts religieux. Elle exerce sa mission en toute indépendance vis-à-vis de la CORREF, des congrégations et aussi des personnes victimes.
- Contacter la CRR : victimes@crr.contact / 09 73 88 25 71 (du lundi au vendredi, entre 9h et 17h)
- Plus d'informations : site de la CRR
Appel à témoignages - décembre 2025
Formation sur les signalements d’infractions sexuelles par le Procureur de la République

Crédit photo : Diocèse de Saint-Dié, Émilie Feuillé
Dans le cadre du Protocole de transmission au parquet des signalements d’infractions sexuelles, le lundi 18 décembre 2023 avait lieu une formation à la Maison diocésaine sur les signalements auprès des accompagnateurs de mineurs et prêtres du diocèse.
Ce protocole entre le diocèse de Saint-Dié et le parquet d’Épinal – initié par des échanges entre Mgr Berthet avec le procureur de la République – a été signé le 6 décembre 2023 par Mgr Denis Jachiet, alors administrateur du diocèse (de septembre 2022 à février 2023), et M. Frédéric Nahon, procureur d’Épinal.
Ce protocole a pour objectif de renforcer la lutte contre les violences et agressions sexuelles au sein du diocèse de Saint-Dié en créant les conditions d’une relation de confiance dans la durée entre le parquet d’Épinal et l’autorité diocésaine qui soit plus directe et efficace. Ce protocole s’inscrit dans la continuité des mesures de lutte contre les violences et agressions sexuelles prises par les évêques de France à Lourdes en novembre 2021.
Le parquet d’Épinal a la volonté de faire connaître le droit plus largement auprès de la population vosgienne et propose des formations auprès des organismes et structures partenaires, telles que l’Éducation nationale, l’Enseignement catholique, les structures sociales et médico-sociales, etc.
Ainsi le procureur de la République, Frédéric Nahon, est venu à la rencontre des accompagnateurs de mineurs et des prêtres du diocèse pour leur délivrer une formation sur les signalements d’infractions sexuelles sur mineurs. Une quarantaine de personnes ont répondu présentes, dont le père Denis Beligné, administrateur diocésain, et le père Pierre Mathieu, délégué général.
Le procureur de la République a ainsi abordé les signalements à partir de trois questions :
- Quoi signaler ?
- Quand signaler ?
- Comment et auprès de qui signaler ?
Pour rappel, la loi punit l’ensemble des actes à caractère sexuel suivants : proposition sexuelle, corruption de mineur, agression sexuelle, atteinte sexuelle, viol, sextorsion, recours à un(e) prostitué(e) mineur(e) et contrainte morale.
Protocole de transmission au parquet des signalements d’infractions sexuelles

Protocole de transmission au parquet des signalements d’infractions sexuelles à la suite de dénonciations reçues par le diocèse de Saint-Dié
Ce protocole s’inscrit dans la continuité des mesures de lutte contre les violences et agressions sexuelles prises par les évêques de France à Lourdes en novembre 2021. À ce jour, beaucoup de diocèses ont conclu des protocoles de ce type avec les différents parquets territoriaux. Par exemple, à l’échelle de la province ecclésiastique de Besançon ce sont tous les diocèses du Grand Est qui bénéficient déjà de ce type d’accord.
Ce protocole entre le diocèse de Saint-Dié et le parquet d’Épinal est la conclusion d’échanges initiés par Mgr Didier Berthet, évêque de Saint-Dié, avec le procureur de la République. C’est aujourd’hui en tant qu’administrateur apostolique du diocèse depuis septembre dernier que Mgr Denis Jachiet appose signature à cet accord avec M. Frédéric Nahon, procureur d’Épinal.
Ce protocole a pour objectif de renforcer la lutte contre les violences et agressions sexuelles au sein du diocèse de Saint-Dié en créant les conditions d’une relation de confiance dans la durée entre le parquet d’Épinal et l’autorité diocésaine qui soit plus directe et efficace.
Ainsi, ce protocole relatif aux signalements d’infractions sexuelles reçues par le diocèse, va permettre :
- De fluidifier et simplifier les échanges entre le parquet d’Épinal et l’institution diocésaine.
- Grâce à un meilleur suivi du travail de la justice de pouvoir, au moment opportun, prendre à l’égard du mis en cause les mesures conservatoires qui sont nécessaires à la protection des personnes.
- De pouvoir le cas échéant engager sans tarder la procédure de justice canonique qui doit intervenir après la fin de l’action de la justice civile.
Au cœur de ce protocole : la prise en compte de la parole des personnes victimes et le désir de faire de notre Église une maison sûre. Aussi nous voulons rappeler :
- Notre cellule d’écoute locale des personnes victimes de violences et agressions sexuelles commises par un membre du diocèse de Saint-Dié (clerc ou laïc). Directement en lien avec l’évêque et composée de deux membres laïcs (un homme et une femme), cette cellule locale est prête à écouter toute personne victime.
Une adresse mail : cellule.ecoute@catholique88.fr
Dans la dynamique de la signature de ce protocole, nous voulons aussi insister sur la prévention et la formation avec les laïcs et clercs de notre diocèse :
- Une charte de bientraitance pour la protection des mineurs engagera tous les bénévoles et salariés en charge de l’accompagnement des mineurs (catéchèse, aumônerie, etc ...) ;
- Un site internet national pour agir contre la pédophilie est disponible : luttercontrelapedophilie.fr
- Des événements de sensibilisation et de formation seront proposés en lien avec le parquet d’Épinal.
Lettre des évêques de France aux catholiques sur la lutte contre la pédophilie
« Seigneur, délivre-nous de la tentation de vouloir nous sauver nous-mêmes et sauver notre réputation ; aide-nous à porter solidairement la faute et à rechercher des réponses humbles et concrètes en communion avec tout le Peuple de Dieu »
Pape François, février 2019
Chers frères et chères sœurs,
Depuis l’an 2000 et surtout depuis 2016, tous vous entendez parler d’agressions sexuelles commises par des prêtres à l’encontre d’enfants ou de jeunes. Comme vous, nous avons honte pour notre Église. Vous vous sentez blessés dans votre confiance en elle. Vous continuez vos engagements de foi. Vos réactions sont diverses ! Vous comprenez que les évêques en parlent, réfléchissent à la manière d’accueillir au mieux les personnes victimes et d’agir envers les coupables… Vous avez entendu parler de la Commission indépendante mise en place par les évêques et la Conférence des Religieux et religieuses de l’Église de France (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, CIASE), confiée à M. Jean-Marc Sauvé et chargée d’enquêter sur ces faits, d’analyser la manière dont ils ont été traités et d’évaluer l’action de l’Église, notamment depuis les années 2000.
Au cours de notre Assemblée ordinaire de fin mars, nous avons pris des décisions importantes que nous voulons ici vous exposer. Elles complètent ou s’articulent avec celles que des diocèses, selon leur histoire et leurs possibilités, ont déjà prises. Un autre rendez-vous sera la remise du rapport de la CIASE à la fin du mois de septembre prochain.
Vous qui lisez ce document, peut-être avez-vous été victime ou témoin de faits d’agression ou de mauvais comportements de la part de clercs, de religieux ou de religieuses. Soyez sûrs de notre détermination à tout faire pour recevoir les témoignages, comprendre ce qui s’est passé, agir pour la justice et mettre en œuvre les mesures de prévention nécessaires. Peut-être, au contraire, n’avez-vous connu que des prêtres qui vous ont donné de la joie et de la confiance et des religieux et religieuses dont l’exemple, présent ou dans votre mémoire, vous réjouit et vous stimule encore.
À vous tous, nous voulons faire part de ce que nous avons appris ces dernières années. Nous vous présenterons ensuite trois séries de décisions importantes et nous vous lancerons un appel.
Ce que nous avons appris
Notre Église n’a pas toujours été une « maison sûre »
Des prêtres et des religieux ont commis des agressions sexuelles sur des mineurs, garçons ou filles. Des prêtres ont abusé de leur position sacramentelle pour exercer une emprise sur des jeunes et parfois leur faire subir des violences sexuelles. Ces faits sont avérés et indéniables. Le rapport de la CIASE nous permettra d’en évaluer l’exacte ampleur et de les situer par rapport à la situation globale de la violence sexuelle sur les mineurs dans notre pays. Mais ces actes ont été trop nombreux pour que nous n’y voyions que la part d’horreur commise par quelques individus pervers. Recensés sur une longue période et dans une population nombreuse, nous devons reconnaître qu’il y a là un fait social qui doit être regardé avec lucidité. Nous devons mobiliser nos forces, nos énergies, notre intelligence et notre volonté, pour créer une culture où de tels drames ne soient plus possibles, pour faire de l’Église « une maison sûre » selon l’expression du Pape François.
Dans les décennies passées, il est arrivé que ces faits soient dénoncés, traités par la justice de notre pays et que leurs auteurs soient sanctionnés par la justice canonique de l’Église. Il est aussi arrivé que ces faits soient connus, portés à la connaissance de certains responsables ecclésiaux, et qu’ils aient été traités seulement par une admonestation au prêtre mis en cause, une promesse par celui-ci de ne pas recommencer, et un déplacement dans une autre paroisse, avec trop souvent de graves récidives. Il est arrivé aussi que de tels faits ne soient pas connus du tout ni des autorités ecclésiales, ni des familles, les enfants victimes n’en parlant pas ou n’ayant pu en parler ou en ayant parlé mais sans être écoutés. La CIASE nous aidera à mieux connaître ces situations diverses.
Un aspect important de ces agressions sexuelles et de ces abus spirituels est qu’ils ont été commis pour une part par des prêtres, des diacres, des religieux ou des membres de communautés qui ont aussi incarné, pour certains, le renouveau de l’Église. Des figures considérées parfois comme exemplaires et inspirantes ont été démasquées. Ce fut pour tous une terrible déception. Des études sont ouvertes, qui devront être prolongées, pour comprendre comment de tels phénomènes ont pu avoir lieu et ne pas être repérés.
La justice de notre pays et la justice canonique doivent être saisies de ces faits graves et inacceptables.
Nous sommes aujourd’hui mieux informés des procédures et nous voulons les mettre en œuvre sans délai. Nous savons que la saisine de la justice, tant civile que canonique, est une obligation et un bienfait nécessaire.
L’ampleur du traumatisme
Nous avons aussi découvert, il faut le reconnaître, l’ampleur du traumatisme vécu par les enfants et les jeunes agressés. Des vies entières ont été bouleversées, rendues compliquées et douloureuses.
Aujourd’hui l’amnésie due au traumatisme, conséquence grave et durable vécue par les personnes victimes et particulièrement les jeunes victimes, est un phénomène connu, étudié et avéré. L’impossibilité de faire mémoire, due à ce phénomène, nous permet de mieux comprendre pourquoi la parole advient parfois très tardivement et douloureusement.
Grâce à des personnes courageuses et des associations, des adultes qui avaient été victimes enfants ou adolescents ont pu révéler leur histoire. Depuis quelques mois, il apparait aussi que de telles agressions ont pu avoir lieu et peuvent avoir lieu dans toute la société, y compris hélas dans les familles et dans tous les milieux, et notamment là où il y a œuvre d’éducation : la relation éducative peut se transformer en une relation de pouvoir et, alors, s’accompagner d’abus et d’une domination sexuelle.
En termes éthiques, ces agressions sont des actes contraires au commandement « Tu ne tueras pas », car ce sont d’abord des atteintes à la vie dont l’impact ne disparait pas, et non pas seulement des manquements à la juste relation éducative de la part des adultes. Commis par des prêtres ou des religieux, de qui l’enfant ou le jeune attend légitimement la bienveillance et la bienfaisance du Christ lui-même, la vie de l’Esprit-Saint et le pardon de Dieu, de tels crimes prennent une force particulière, a fortiori lorsqu’ils sont commis dans un cadre sacramentel ou lorsque le prêtre est un ami ou un membre de la famille. Ils peuvent détruire toute la vie, y compris la vie spirituelle. Nous, évêques, reconnaissons que nos prédécesseurs n’ont pas toujours été assez attentifs au sort des enfants agressés. Sans prétendre que nous aurions fait mieux à leur place et en leur temps, l’Évangile que nous prêchons et dont nous essayons de vivre nous enjoint à l’attention aux plus petits. Le Christ, notre Seigneur, nous avertit que le scandale devant Dieu n’est pas la perte de réputation d’une personne ou d’une institution mais le fait de faire tomber, d’abîmer un « petit » et de l’empêcher d’avancer vers la bonté du Père. Nous implorons humblement pardon pour tous les cas d’indifférence ou d’incompréhension dont des responsables ecclésiaux ont pu faire preuve.
La lumière apportée par le témoignage des personnes victimes
Tous frères et sœurs en Église, nous devons porter attention aux personnes qui ont été victimes de telles agressions. Souvent, nous l’avons dit, elles n’ont pu parler ou, ayant parlé, n’ont pas été écoutées parce que leur agresseur était estimé, voire vénéré, par leurs parents ou leur entourage familial et social, par la communauté chrétienne. Témoigner de ce qu’elles ont subi est extrêmement courageux et exigeant. Ceux et celles qui s’y risquent ont droit à notre admiration et notre gratitude. Dénonçant des faits commis dans l’Église et par des ministres de l’Église, ils et elles rendent à l’Église un immense service : celui de pouvoir faire la lumière sur des ténèbres qui l’habitent et qu’elle transportait sans le savoir ou sans vouloir le reconnaître et regarder cela en face. Désormais, nous pouvons être plus lucides. Cette lumière est un don de Dieu dans sa miséricorde, qui nous appelle tous à la sainteté.
Nous, prêtres et évêques, ordonnés, nous recevons du Christ Pasteur et Serviteur un « pouvoir sacré ». Pour vous, fidèles, qui, avec nous, recevez la grâce de la foi, ce « pouvoir » est source de vie, de consolation, de force, de paix et de liberté intérieure. Or, de ce pouvoir, il est possible d’abuser. Comme tout pouvoir, celui-ci peut servir à exercer une emprise et à établir un rapport de domination. Or, le Christ, dont nous voulons être les serviteurs, est le Seigneur infiniment chaste, infiniment respectueux des personnes en leur liberté la plus intime. Il n’a jamais permis ni supporté que ses disciples prétendent soumettre d’autres hommes ou femmes. A la lumière de ce qui a été mis au jour ces dernières années, nous sommes conscients que les modes d’exercice du ministère sacerdotal et épiscopal et le discours qui les soutient doivent être passés au crible et renouvelés pour un service plus vrai du Peuple de Dieu.
Le devoir de l’Église entière vis-à-vis des personnes victimes
Les personnes victimes, quel que soit leur âge, à partir du moment où elles ont parlé ont besoin d’avancer dans un chemin d’apaisement et de reconstruction. Il y a là pour nous tous, membres du Corps du Christ, un devoir impérieux lié à l’appartenance commune des victimes et de leurs agresseurs à notre Église. Comme pasteurs, nous sommes responsables d’agir pour contribuer, autant qu’elles le souhaitent, à accompagner sur leur chemin de vie les personnes qui ont été ainsi agressées. Nous sommes conscients aussi que des parents, des frères et sœurs, des familles, des conjoints et des enfants ont souffert. Nous sommes conscients encore que tous nous sommes blessés dans notre foi, notre attachement au Christ, notre confiance dans le sacerdoce apostolique. Comme nous, vous êtes ébranlés, interpellés et avec vous nous souffrons pour l’Église. Dans le même temps, étant membres du Corps du Christ, nous sommes responsables les uns des autres devant Dieu, au sens où chacun répond de tous les autres. Nous sommes en effet donnés les uns aux autres par le Seigneur comme frères et sœurs.
C’est pourquoi, frères et sœurs, les mesures que nous avons à prendre pour que de tels faits ne se reproduisent pas et pour aider les personnes victimes dans leur chemin personnel nous concernent tous. Elles n’auront de sens que si elles sont portées par nous tous. Nous, évêques, y avons travaillé depuis deux ans et demi notamment avec l’aide des groupes de travail mis en place à partir de janvier 2019 par notre Conférence avec la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF) pour travailler sur la mémoire à garder de ces faits et de la manière dont ceux et celles qui ont été agressés ont pu survivre ; pour développer plus avant les mesures de prévention nécessaires ; pour recenser les étapes à suivre dans le traitement d’une plainte et accompagner les clercs accusés puis, le cas échéant, condamnés ou innocentés ; pour mettre au point le secours financier qui devra être proposé aux personnes victimes afin de les aider dans leur reconstruction quand elles en ont besoin.
Nous remercions vivement les personnes victimes qui ont accepté de travailler avec nous. Patiemment, nous avons appris à nous connaitre. Nous remercions aussi les professionnels et experts de la société civile qui nous ont aidés à avancer.
Nous nous sommes placés devant Dieu, scrutant ce qu’il attend de l’Église du Christ. Sa sainteté nous pousse à agir avec humilité mais aussi avec efficacité.
Ces mesures, nous les présenterons à la CIASE pour qu’à la lumière de ses études, elle les évalue et nous indique les ajustements nécessaires.
Nos décisions
Nous avons décidé trois séries de mesures lors de notre Assemblée plénière de mars 2021. Elles s’inscrivent dans une démarche générale destinée à franchir une étape décisive dans la reconnaissance de ces violences et la lutte contre ces abus.
- Des mesures concernent notre relation avec les personnes victimes: nous devons et nous voulons les aider, humblement, dans les étapes et les moyens qui leur permettront d’avancer dans leur chemin de vie et de reconstruction.
D’où les décisions de :
- continuer à travailler régulièrement avec les personnes victimes ;
- sensibiliser et former de manière régulière à l’accueil et à l’accompagnement humain et spirituel des personnes victimes d’agressions sexuelles dans l’Église ;
- proposer aux personnes victimes un secours financier qu’une instance d’assistance indépendante sera chargée d’attribuer dans la limite de nos moyens, selon les besoins exprimés par chacune de ces personnes ;
- améliorer la formation initiale et continue des prêtres et de tous les acteurs pastoraux, surtout ceux et celles qui travailleront auprès des jeunes ;
- améliorer nos moyens de suivre et d’accompagner les prêtres coupables dans les différents moments de leur vie ;
- créer un lieu qui gardera vive la mémoire des faits commis et de la manière dont les personnes agressées ont pu vivre cette épreuve. Ce que les personnes victimes demandent le plus est l’assurance que l’Église travaille vraiment pour que de tels drames ne se reproduisent plus. Le lieu mémoriel sera donc aussi un lieu pédagogique pour former les générations futures à la vigilance sur les dérives possibles du pouvoir spirituel ;
- consacrer une journée à la mémoire de ces faits et à la prière pour les personnes victimes, chaque année, le 3ème vendredi de Carême.
- Des mesures visent au renforcement de nos procédures de justice canonique. Celles-ci ne dispensent pas du recours à la justice étatique. Nous avons décidé de mettre en place un tribunal pénal au niveau national pour disposer des moyens nécessaires afin d’agir avec une efficacité qui a pu faire défaut jusqu’à présent.
- Des mesures concernent l’organisation de la Conférence des évêques et s’ajoutent à celles prises depuis 2016 : nous mettrons en place un Service dédié « à la promotion de la vigilance et à la formation à la juste relation pastorale » ainsi qu’un Service national d’écoute.
Notre appel
L’appel que nous vous lançons est double.
Soyons tous vigilants et actifs pour faire de notre Église une « maison sûre »
Par la lecture de cette lettre, vous prenez avec nous la mesure du phénomène tel que nous l’avons découvert et compris. Il nous reste à recevoir le rapport de la CIASE. Des victimes parleront au-delà, bien sûr, car le temps de la parole ne peut être identique pour tous.
Le silence, l’indifférence, une déférence non ajustée, ne doivent plus l’emporter sur le devoir d’interpeller voire d’alerter quand est repéré un problème de comportement de la part de qui que ce soit : prêtre, diacre, religieux ou laïc, bénévole ou salarié, animateur ou participant, responsable ou fidèle, homme ou femme. Soyons attentifs autour de nous, acceptons de nous former, surtout dans l’exercice de responsabilités en contact avec des jeunes et des enfants. Soyons vigilants dans les paroisses, communautés, mouvements, les uns vis à vis des autres.
La conversion pastorale de nos diocèses nous offre des occasions de réfléchir sur nos modes de fonctionnement en diocèses, en paroisses, dans nos communautés et mouvements. A tous les niveaux nous devons nous interroger sur les possibilités de dérives, d’emprise, d’abus, de maltraitances voire de violences et vérifier qu’il existe des supervisions, des contrôles, des regards tiers, et la possibilité de la correction fraternelle entre nous.
N’hésitons pas à confier au Seigneur dans la prière ce sujet grave et important. N’oublions pas d’intercéder pour les personnes victimes et de demander le secours de Dieu pour son Église.
Aidons les personnes victimes
Au nom de l’unité du Corps que nous formons dans le Christ, nous devons ensemble apporter aux personnes victimes les aides dont elles ont besoin, et mettre en œuvre les différentes mesures ci-dessus exposées, nécessaires pour renouveler en vérité notre Église. Pour financer toutes ces actions de mémoire, de prévention, de soutien, il faut réunir les fonds nécessaires.
Nous sommes conscients que nous ne pouvons pas utiliser les dons des fidèles à des fins que ceux-ci n’ont pas choisies. Par exemple, le Denier de l’Église ne sera pas employé à cet usage. Pour permettre à tous les baptisés de manifester leur fraternité et leur solidarité aux personnes victimes dans l’Église catholique, nous constituons un fonds de dotation spécifique qui financera l’ensemble de ces mesures et vérifiera le juste usage des sommes collectées. Nous évêques y contribuerons en premier lieu, à titre personnel. Nous appelons tous ceux d’entre vous qui le voudront bien, à y contribuer également.
Chers frères et chères sœurs, fin septembre prochain, la CIASE remettra son rapport aux évêques et à la Conférence des religieux et religieuses, qui l’ont créée ensemble. Ce sera un moment difficile pour ceux et celles qui ont été victimes de tels crimes. Ce sera pour nous tous, spécialement pour les clercs, pour les religieux et religieuses, un moment délicat.
Comme l’a souligné le Pape François dans sa lettre au Peuple de Dieu d’août 2018, « les abus sexuels, abus de pouvoir et de conscience, commis par un nombre important de clercs et de personnes consacrées (est) un crime qui génère de profondes blessures faites de douleur et d’impuissance, en premier lieu chez les personnes victimes, mais aussi chez leurs proches et dans toute la communauté, qu’elle soit composée de croyants ou d’incroyants.(…) L’ampleur et la gravité des faits exigent que nous réagissions de manière globale et communautaire. S’il est important et nécessaire pour tout chemin de conversion de prendre connaissance de ce qui s’est passé, cela n’est pourtant pas suffisant. Aujourd’hui nous avons à relever le défi en tant que Peuple de Dieu d’assumer la douleur de nos frères blessés dans leur chair et leur esprit. (…) Que l’Esprit Saint nous donne la grâce de la conversion et l’onction intérieure pour pouvoir exprimer, devant ces crimes d’abus, notre compassion et notre décision de lutter avec courage ».
Dans le droit fil de cette invitation du Pape, nous vous avons, dans cette lettre, partagé ce que nous avons découvert et mieux compris et nous vous avons confié nos engagements, nos résolutions. Ils n’ont de sens, ils ne seront efficaces, que s’ils deviennent aussi les vôtres.
Nous vous exprimons notre honte et notre tristesse que ceux qui auraient dû être des pasteurs vous conduisant aux sources vives, aient pu être des dangers, destructeurs des « petits » confiés par Jésus. Nous renouvelons notre demande de pardon. Si vous n’avez pas été atteints par de tels faits, nous vous demandons de vous tourner avec nous vers ceux et celles qui en ont été victimes. Disons notre commune désolation devant les crimes commis et subis et notre profonde humiliation que des membres du Corps du Christ aient été si peu attentifs et parfois si peu prêts à entendre et à accompagner. Nous nous remettons au Seigneur qui juge et qui guérit et nous acceptons d’avance la lumière crue qui sera jetée sur notre Église. Pleins d’espérance aussi, nous croyons que cette vérité peut servir le renouveau que Dieu veut.
Nous exprimons notre confiance et notre reconnaissance aux prêtres, diacres, consacrés hommes et femmes qui se donnent chastement pour le service du Royaume de Dieu, pour tous les baptisés qui sont sur le chemin de Vie avec le Christ. Nous rendons grâce pour la confiance que vous nous faites et surtout pour votre foi dans le Seigneur Jésus, qui en notre chair a vaincu la mort.
Les évêques de France
25 mars 2021
La mission de la CIASE
Le 7 novembre 2018, lors de leur assemblée plénière à Lourdes, les évêques de France ont décidé, en complément des dispositifs déjà en œuvre, la création d’une commission indépendante destinée plus globalement à faire la lumière sur le passé, pour en tirer les conséquences et rétablir la confiance. La Conférence des religieux et religieuses de France, lors de son Assemblée Générale à Lourdes le 12 novembre 2018, s’est pleinement associée à cette démarche destinée à « la mise en place d’une commission indépendante chargée de faire la lumière sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Église catholique depuis 1950, de comprendre les raisons qui ont favorisé la manière dont ont été traitées ces affaires et de faire des préconisations, notamment en évaluant les mesures prises depuis les années 2000 ».
Le 13 novembre 2018, Jean-Marc Sauvé, vice- président honoraire du Conseil d’État, a accepté à la demande de la Conférence des Evêques de France (CEF) et de la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF) de constituer et de présider cette commission.
Le 20 novembre, il a reçu sa lettre de mission signée de la main de Monseigneur Georges Pontier – archevêque de Marseille et président de la CEF – et de Sœur Véronique Margron – présidente de la CORREF.
La mission s’articule autour de trois grandes phases : l’établissement des faits, la compréhension de ce qui s’est passé et la prévention de la répétition de tels drames. En revanche, elle n’a pas pour mission d’établir des responsabilités personnelles.
L’établissement des faits
Le premier travail de cette commission est, dans toute la mesure du possible, de recenser et d’établir les faits. Bien souvent, les victimes n’osent pas parler. La commission a pour première mission d’établir les faits en travaillant avec les victimes, les institutions religieuses et les services publics en capacité de l’éclairer. Elle contribuera à libérer et recueillir la parole des victimes. Son existence manifeste la reconnaissance que des abus graves ont été commis sur des mineurs et des personnes vulnérables. On a pu constater qu’il s’écoule parfois plus de 30 ans entre des abus commis et la possibilité de les exprimer. Ce constat rend particulièrement pertinent le choix de la période d’étude très supérieure à un demi-siècle. Libérer la parole, entendre les victimes, recueillir les témoignages est au cœur des missions de la commission.
La compréhension de ce qui s’est passé
Il faudra ensuite examiner quelles suites ont été réservées, ou pas, aux abus sexuels constatés en tenant compte du contexte des époques concernées.
La prévention de la répétition de tels drames
Il faudra, en troisième lieu, analyser les mécanismes, notamment institutionnels et culturels, ayant permis qu’aient pu être commis des abus sexuels et que ces abus n’aient pas été traités de manière adéquate.
Il faudra également évaluer la pertinence et l’efficacité des dispositions prises par l’Église catholique depuis le début des années 2000, pour lutter contre les abus sexuels et, spécialement, la pédophilie.
Puis viendra le temps des propositions et des recommandations.
La commission fera les propositions les plus aptes à reconnaître la souffrance des victimes, à corriger les manquements constatés et à prévenir et empêcher la répétition de ces drames, en tirant toutes les leçons du passé.
Rapport sur la lutte contre la pédophilie dans l'Eglise

En juillet 2016, au lancement du site luttercontrelapedophilie.catholique.fr, Mgr Pontier, président de la Conférence des évêques de France, écrivait :
« les évêques ont pris la mesure des conséquences immenses de la pédophilie dans la vie personnelle, la psychologie et la vie spirituelle de ceux qui en ont été victimes. Nous percevons que le retentissement de ces actes reste une souffrance lancinante tout au long de la vie de chaque personne. Comment permettre de s’en relever, de sortir de la culpabilité, du ressentiment ou du désespoir parfois puissant que ces blessures ont causés ? Conscients que nous pouvons faire mieux et davantage, nous voulons mettre en place les moyens de l’écoute, du soutien, de l’accompagnement pour que les attentes et besoins de chaque victime puissent être entendus. »
En janvier 2017, avec le guide «Lutter contre la pédophilie » paraissait un premier bilan faisant état de ce que l’on pouvait mesurer de ce fléau dans l’Église catholique.
Aujourd’hui, ce document fait le point et présente un nouveau rapport d’étape. Il renseigne aussi sur les moyens qui ont été déployés depuis avril 2016.
Dans sa lettre au Peuple de Dieu (20 août 2018), le Pape François affirme :
« Aujourd’hui nous avons à relever le défi en tant que peuple de Dieu d’assumer la douleur de no
s frères blessés dans leur chair et dans leur esprit. »
Il invite à unir nos forces dans cette lutte contre les abus dans l’Église car « si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ».
Ce rapport présente les moyens de notre lutte et notamment les moyens de sensibilisation mis en œuvre pour que ce combat soit celui de tous.
Lettre du Pape François au peuple de Dieu
Quelques jours après la publication en août 2018 d'un rapport dévoilant des actes pédophiles commis par des prêtres en Pennsylvanie, le pape a adressé une lettre au peuple de Dieu, dans laquelle il condamne fortement ces atrocités, et affirme une fois de plus l'engagement de l'Église au côté des victimes.
" Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui " (1 Cor 12,26)
LETTRE DU PAPE FRANÇOIS
AU PEUPLE DE DIEU
« Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1 Cor 12,26). Ces paroles de saint Paul résonnent avec force en mon cœur alors que je constate, une fois encore, la souffrance vécue par de nombreux mineurs à cause d’abus sexuels, d’abus de pouvoir et de conscience, commis par un nombre important de clercs et de personnes consacrées. Un crime qui génère de profondes blessures faites de douleur et d’impuissance, en premier lieu chez les victimes, mais aussi chez leurs proches et dans toute la communauté, qu’elle soit composée de croyants ou d’incroyants. Considérant le passé, ce que l’on peut faire pour demander pardon et réparation du dommage causé ne sera jamais suffisant. Considérant l’avenir, rien ne doit être négligé pour promouvoir une culture capable non seulement de faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas mais encore que celles-ci ne puissent trouver de terrains propices pour être dissimulées et perpétuées. La douleur des victimes et de leurs familles est aussi notre douleur ; pour cette raison, il est urgent de réaffirmer une fois encore notre engagement pour garantir la protection des mineurs et des adultes vulnérables.
1. Si un membre souffre
Ces derniers jours est paru un rapport détaillant le vécu d’au moins mille personnes qui ont été victimes d’abus sexuel, d’abus de pouvoir et de conscience, perpétrés par des prêtres pendant à peu près soixante-dix ans. Bien qu’on puisse dire que la majorité des cas appartient au passé, la douleur de nombre de ces victimes nous est parvenue au cours du temps et nous pouvons constater que les blessures infligées ne disparaissent jamais, ce qui nous oblige à condamner avec force ces atrocités et à redoubler d’efforts pour éradiquer cette culture de mort, les blessures ne connaissent jamais de « prescription ». La douleur de ces victimes est une plainte qui monte vers le ciel, qui pénètre jusqu’à l’âme et qui, durant trop longtemps, a été ignorée, silencieuse ou passé sous silence. Mais leur cri a été plus fort que toutes les mesures qui ont entendu le réprimer ou bien qui, en même temps, prétendaient le faire cesser en prenant des décisions qui en augmentaient la gravité jusqu’à tomber dans la complicité. Un cri qui fut entendu par le Seigneur en nous montrant une fois encore de quel côté il veut se tenir. Le Cantique de Marie ne dit pas autre chose et comme un arrière-fond, continue à parcourir l’histoire parce que le Seigneur se souvient de la promesse faite à nos pères : « Il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides » (Lc 1, 51-53) ; et nous ressentons de la honte lorsque nous constatons que notre style de vie a démenti et dément ce que notre voix proclame.
Avec honte et repentir, en tant que communauté ecclésiale, nous reconnaissons que nous n’avons pas su être là où nous le devions, que nous n’avons pas agi en temps voulu en reconnaissant l’ampleur et la gravité du dommage qui était infligé à tant de vies. Nous avons négligé et abandonné les petits. Je fais miennes les paroles de l’alors cardinal Ratzinger lorsque, durant le Chemin de Croix écrit pour le Vendredi Saint de 2005, il s’unit au cri de douleur de tant de victimes en disant avec force : « Que de souillures dans l’Église, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! Combien d’orgueil et d’autosuffisance ! […] La trahison des disciples, la réception indigne de son Corps et de son Sang sont certainement les plus grandes souffrances du Rédempteur, celles qui lui transpercent le cœur. Il ne nous reste plus qu’à lui adresser, du plus profond de notre âme, ce cri : Kyrie, eleison – Seigneur, sauve-nous (cf. Mt 8, 25) » (Neuvième Station).
2. Tous les membres souffrent avec lui
L’ampleur et la gravité des faits exigent que nous réagissions de manière globale et communautaire. S’il est important et nécessaire pour tout chemin de conversion de prendre connaissance de ce qui s’est passé, cela n’est pourtant pas suffisant. Aujourd’hui nous avons à relever le défi en tant que peuple de Dieu d’assumer la douleur de nos frères blessés dans leur chair et dans leur esprit. Si par le passé l’omission a pu être tenue pour une forme de réponse, nous voulons aujourd’hui que la solidarité, entendue dans son acception plus profonde et exigeante, caractérise notre façon de bâtir le présent et l’avenir, en un espace où les conflits, les tensions et surtout les victimes de tout type d’abus puissent trouver une main tendue qui les protège et les sauve de leur douleur (Cf. Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.228). Cette solidarité à son tour exige de nous que nous dénoncions tout ce qui met en péril l’intégrité de toute personne. Solidarité qui demande de lutter contre tout type de corruption, spécialement la corruption spirituelle, « car il s’agit d’un aveuglement confortable et autosuffisant où tout finit par sembler licite : la tromperie, la calomnie, l’égoïsme et d’autres formes subtiles d’autoréférentialité, puisque "Satan lui-même se déguise en ange de lumière" (2Co 11,14) » (Exhort. ap. Gaudete et Exsultate, n.165). L’appel de saint Paul à souffrir avec celui qui souffre est le meilleur remède contre toute volonté de continuer à reproduire entre nous les paroles de Caïn : « Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ? » (Gn 4,9).
Je suis conscient de l’effort et du travail réalisés en différentes parties du monde pour garantir et créer les médiations nécessaires pour apporter sécurité et protéger l’intégrité des mineurs et des adultes vulnérables, ainsi que de la mise en œuvre de la tolérance zéro et des façons de rendre compte de la part de tous ceux qui commettent ou dissimulent ces délits. Nous avons tardé dans l’application de ces mesures et sanctions si nécessaires, mais j’ai la conviction qu’elles aideront à garantir une plus grande culture de la protection pour le présent et l’avenir.
Conjointement à ces efforts, il est nécessaire que chaque baptisé se sente engagé dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons tant besoin. Une telle transformation nécessite la conversion personnelle et communautaire et nous pousse à regarder dans la même direction que celle indiquée par le Seigneur. Ainsi saint Jean-Paul II se plaisait à dire : « Si nous sommes vraiment repartis de la contemplation du Christ, nous devrons savoir le découvrir surtout dans le visage de ceux auxquels il a voulu lui-même s'identifier » (Lett. ap. Novo Millenio Ineunte, n.49). Apprendre à regarder dans la même direction que le Seigneur, à être là où le Seigneur désire que nous soyons, à convertir notre cœur en sa présence. Pour cela, la prière et la pénitence nous aideront. J’invite tout le saint peuple fidèle de Dieu à l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne, conformément au commandement du Seigneur[1], pour réveiller notre conscience, notre solidarité et notre engagement en faveur d’une culture de la protection et du « jamais plus » à tout type et forme d’abus.
Il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu. Plus encore, chaque fois que nous avons tenté de supplanter, de faire taire, d’ignorer, de réduire le peuple de Dieu à de petites élites, nous avons construit des communautés, des projets, des choix théologiques, des spiritualités et des structures sans racine, sans mémoire, sans visage, sans corps et, en définitive, sans vie[2]. Cela se manifeste clairement dans une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Eglise – si commune dans nombre de communautés dans lesquelles se sont vérifiés des abus sexuels, des abus de pouvoir et de conscience – comme l’est le cléricalisme, cette attitude qui « annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple »[3]. Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme.
Il est toujours bon de rappeler que le Seigneur, « dans l’histoire du salut, a sauvé un peuple. Il n’y a pas d’identité pleine sans l’appartenance à un peuple. C’est pourquoi personne n’est sauvé seul, en tant qu’individu isolé, mais Dieu nous attire en prenant en compte la trame complexe des relations interpersonnelles qui s’établissent dans la communauté humaine : Dieu a voulu entrer dans une dynamique populaire, dans la dynamique d’un peuple » (Exhort. ap. Gaudete et Exsultate, n.6). Ainsi, le seul chemin que nous ayons pour répondre à ce mal qui a gâché tant de vies est celui d’un devoir qui mobilise chacun et appartient à tous comme peuple de Dieu. Cette conscience de nous sentir membre d’un peuple et d’une histoire commune nous permettra de reconnaitre nos péchés et nos erreurs du passé avec une ouverture pénitentielle susceptible de nous laisser renouveler de l’intérieur. Tout ce qui se fait pour éradiquer la culture de l’abus dans nos communautés sans la participation active de tous les membres de l’Eglise ne réussira pas à créer les dynamiques nécessaires pour obtenir une saine et effective transformation. La dimension pénitentielle du jeûne et de la prière nous aidera en tant que peuple de Dieu à nous mettre face au Seigneur et face à nos frères blessés, comme des pécheurs implorant le pardon et la grâce de la honte et de la conversion, et ainsi à élaborer des actions qui produisent des dynamismes en syntonie avec l’Evangile. Car « chaque fois que nous cherchons à revenir à la source pour récupérer la fraîcheur originale de l’Évangile, surgissent de nouvelles voies, des méthodes créatives, d’autres formes d’expression, des signes plus éloquents, des paroles chargées de sens renouvelé pour le monde d’aujourd’hui » (Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.11).
Il est essentiel que, comme Eglise, nous puissions reconnaitre et condamner avec douleur et honte les atrocités commises par des personnes consacrées, par des membres du clergé, mais aussi par tous ceux qui ont la mission de veiller sur les plus vulnérables et de les protéger. Demandons pardon pour nos propres péchés et pour ceux des autres. La conscience du péché nous aide à reconnaitre les erreurs, les méfaits et les blessures générés dans le passé et nous donne de nous ouvrir et de nous engager davantage pour le présent sur le chemin d’une conversion renouvelée.
En même temps, la pénitence et la prière nous aideront à sensibiliser nos yeux et notre cœur à la souffrance de l’autre et à vaincre l’appétit de domination et de possession, très souvent à l’origine de ces maux. Que le jeûne et la prière ouvrent nos oreilles à la douleur silencieuse des enfants, des jeunes et des personnes handicapées. Que le jeûne nous donne faim et soif de justice et nous pousse à marcher dans la vérité en soutenant toutes les médiations judiciaires qui sont nécessaires. Un jeûne qui nous secoue et nous fasse nous engager dans la vérité et dans la charité envers tous les hommes de bonne volonté et envers la société en général, afin de lutter contre tout type d’abus sexuel, d’abus de pouvoir et de conscience.
De cette façon, nous pourrons rendre transparente la vocation à laquelle nous avons été appelés d’être « le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Conc. Oecum. Vat.II, Lumen Gentium, n.1).
« Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui », nous disait saint Paul. Au moyen de la prière et de la pénitence, nous pourrons entrer en syntonie personnelle et communautaire avec cette exhortation afin que grandisse parmi nous le don de la compassion, de la justice, de la prévention et de la réparation. Marie a su se tenir au pied de la croix de son fils. Elle ne l’a pas fait de n’importe quelle manière mais bien en se tenant fermement debout et à son coté. Par cette attitude, elle exprime sa façon de se tenir dans la vie. Lorsque nous faisons l’expérience de la désolation que nous causent ces plaies ecclésiales, avec Marie il est nous bon «de donner plus de temps à la prière » (S. Ignace de Loyola, Exercices Spirituels, 319), cherchant à grandir davantage dans l’amour et la fidélité à l’Eglise. Elle, la première disciple, montre à nous tous qui sommes disciples comment nous devons nous comporter face à la souffrance de l’innocent, sans fuir et sans pusillanimité. Contempler Marie c’est apprendre à découvrir où et comment le disciple du Christ doit se tenir.
Que l’Esprit Saint nous donne la grâce de la conversion et l’onction intérieure pour pouvoir exprimer, devant ces crimes d’abus, notre compassion et notre décision de lutter avec courage.
Du Vatican, le 20 août 2018.
François
[1] « Mais cette sorte de démons ne se chasse que par la prière et par le jeûne » (Mt 17,21).
[2] Cf. Lettre au peuple de Dieu en marche au Chili, 31 mai 2018.
[3] Lettre au Cardinal Marc Ouellet, Président de la Commission Pontificale pour l’Amérique Latine, 19 mars 2016.









