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La laïcité à la française, entre controverse et garantie

« Nous ne pouvons plus discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu », a déclaré Gérald Darmanin le 1er février à France Inter.
N’en déplaise au Ministre de l’intérieur et des cultes, quiconque croit en Dieu ne peut évidemment pas souscrire à ses propos. Avec l’apôtre Pierre, nous croyons qu’« Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5, 29), il écrit pourtant dans sa Première lettre « Soyez soumis à toute institution humaine à cause du Seigneur » (2, 13). À Dieu revient l’obéissance absolue de notre conscience. Aux institutions humaines revient notre obéissance pour toute l’organisation de la vie sociale et tant que notre conscience n’est pas lésée. Dans ce double principe s’enracine le regard chrétien sur la laïcité.
« On ne doit jamais accepter que les lois de la religion puissent être supérieures aux lois de la République », affirmait Emmanuel Macron à Mulhouse en février 2020.

Abbé Denis Beligné

 

À l'heure des débats parlementaires sur le projet de loi "Séparatisme", renommé par le Sénat projet de loi « confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme », quid de la laïcité ? À quoi sert-elle dans notre société ?

Souvent décriée et incomprise en son sens initial, la laïcité est de moins en moins considérée comme une liberté fondamentale, notamment par les jeunes générations qui y voient même une forme d'atteinte à la liberté (sondage IFOP du 2 mars 2021). Pourtant, il s'agit là même d'une garantie de la liberté de culte, étant mise en oeuvre dans le respect des droits, libertés et convictions propres à chacun afin de conforter le vivre ensemble.

La laïcité a été instituée en France par la loi de 1905, dite « de séparation de l'État et des Églises », dans un contexte de grande tension entre l'Église catholique et les forces politiques républicaines. Cela résulte d'un long héritage. Sous l'Ancien Régime, au-delà des questions doctrinales, gallicans et ultramontains s'opposaient déjà dans la perception des relations entre les Églises et l'État. Par la suite, en 1789, on retrouve le principe laïc acté dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. D'abord élevé au rang de loi, le principe devient constitutionnel en 1946, repris par la Constitution actuelle de 1958.
Dès lors, cette loi crée « la laïcité à la française » et rompt définitivement les engagements français relatifs au régime concordataire avec le Vatican existant depuis 1801. Elle vient garantir la liberté de conscience et le respect de toutes les croyances, le libre exercice des cultes, la neutralité de l'État, l'absence de culte officiel & l'absence de salariat du clergé et des responsables religieux.
À l'exception des territoires toujours concordataires : l'Alsace, la Moselle, la Guyane et Mayotte, Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française et la Nouvelle Calédonie. 

La liberté des cultes

À côté de la neutralité affirmée de l'État, il ne s'agit pas pour ce dernier de vouloir cantonner la liberté de conscience ou la religion à la sphère privée. Il ne s'agit pas non plus d’ignorer les religions. Au contraire, il s'agit de garantir la liberté des cultes par exemple à travers de l'entretien des édifices religieux préexistants à la loi (appartenant à l'État) mais aussi l'organisation et le financement d'aumôneries plurielles dans les milieux fermés : armées, prisons, hôpitaux et maisons de retraite, établissements scolaires... pour répondre à l'éventuelle quête spirituelle des personnes, d'autant plus pour les personnes habituellement confinées. Le Gouvernement avait notamment mis en place en 2013 un Observatoire de la Laïcité, pour conseil. À la suite de plusieurs tensions entre les différents courants de la laïcité, son avenir est probablement à la dissolution prochaine, voire au remplacement par un nouveau dispositif à deux étages avec un renfort au sein de l'administration et une instance de type « Haut Conseil de la Laïcité ».

Aujourd'hui, face à la montée du fondamentalisme et du communautarisme, le Gouvernement entend davantage promouvoir la laïcité afin de renforcer le vivre-ensemble et le respect des libertés fondamentales de chacun. C'est la raison du projet de loi en cours de lecture auprès des parlementaires, visant en premier lieu l'islamisme radical où la place de la laïcité est par nature inexistante puisque l'islam est censé être "religion et État" selon le Coran.

 

Gérard Colné – catholique et délégué diocésain au dialogue interreligieux

Le ressenti de ma jeunesse a été en butte contre la laïcité dite « laïcarde » qui, si elle ne voulait pas faire retourner les cathos aux catacombes, avait minimum tendance à pas mal de condescendance… Puis la rencontre de l’Autre, de l’incroyant comme du bon musulman, m’a permis de questionner les fondements de ma propre foi & de la faire grandir. La devise de notre République Française ainsi que les valeurs partagées par les Etats membres de l’Europe (liberté, pluralisme, tolérance, égalité Femmes-Hommes, non-discrimination) sont bien là et nos racines chrétiennes y sont pour quelque chose. Dans le contexte de sécularisation et de crise de la foi, la place de tout chrétien – sel de la terre et lumière du monde – est d’œuvrer dans la société civile, à donner sens à la Vie & « permettre aux hommes et aux femmes de s’élever au-delà d’eux-mêmes »  (« Questions d’Europe», Fondation Robert Schuman). 

 

 

 

Mustafa Ozcelik – président de la mosquée selimiye et élu à Épinal

Engagé, bénévole et investi depuis de longue date pour la réussite des enfants, l’égalité des chances, la lutte contre toutes sorte de discrimination, je participe et m’investis de manière active à la vie de la cité dans des actions sociales, culturelles et de solidarité. Pour moi, la laïcité est une valeur essentielle, avant tout une chance et le fondement même du vivre ensemble. Elle est nécessaire et c’est aussi une garantie pour la liberté de conscience, de culte et de croyance dans le respect de l’ordre public. La laïcité contribue à faire évoluer la démocratie et la mise en place de politique fondée sur la paix civile. Ce qui m’anime au quotidien c’est le dialogue, l’ouverture, l’écoute, le partage, la tolérance et l’entraide. On en a encore plus besoin en ces périodes de crise sanitaire.

 

Maurice Blumberg – communauté israélite d’Épinal / Remiremont

Les personnes qui de nos jours se persuadent que la laïcité serait une arme de discrimination semblent oublier de combien de massacres et d’horreur elle est l'héritière. L'Europe et la France ont payé très cher pour savoir ce que la religion peut engendrer de haine et de fanatisme. La laïcité est un principe de paix civile, un principe juridique plus vaste que la loi de séparation des églises et de l'État. En effet, c'est aussi un pacte politique au cœur de la République, rassemblement de citoyens qui décident de vivre en commun. Le judaïsme, religion non prosélyte, n'a jamais trouvé dans ce principe rien qui l'entrave ou qui le gêne. La laïcité est dans nos principes et notre droit un élément unificateur et pacificateur. Il nous faut assumer être les défenseurs lucides et infatigables de l'universalisme et refuser de dénaturer notre idéal. L'idéal laïc prône la liberté absolue de conscience, l'émancipation, l'égalité entre les hommes et les femmes, la liberté mais aussi la garantie de la liberté des cultes, de tous les cultes et de ceux qui ne se reconnaissent dans aucune foi.

 

 

Émilie FEUILLÉ
Église dans les Vosges - Mai 2021

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