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Homélie Mgr Berthet - Fêtes johanniques

12 et 13 mai à Domremy

Le 12 et 13 mai 2018 avaient lieu les traditionnelles fêtes Johanniques en la Basilique du Bois Chenu à Domremy. Pour ces festivités et la messe pontificiale du dimanche 13 mai Mgr Berthet, évêque de Saint-Dié, était accompagné de Mgr Gusching, évêque de Verdun. Nous vous proposons de relire l'homélie de notre évêque à l'occasion de ce moment fort autour de la figure de Jeanne d'Arc. 

CHERS FRÈRES ET SŒURS,

La liturgie de la Parole de cette fête nous parle d’emblée de la Sagesse et de sa puissance. Dans la première lecture, tirée du Livre de la Sagesse, il nous est dit qu’elle permet au sage de :

« Diriger des peuples et soumettre des nations… »

Et encore de :

« Montrer sa valeur dans l’assemblée du Peuple,
et sa bravoure à la guerre ».

Voilà qui nous relie évidemment aux glorieux faits d’armes de Sainte Jeanne d’Arc et à l’œuvre de libération qu’elle a accomplie ; mais voilà qui nous rappelle aussi que ces exploits ne sont pas l’effet de sa force physique ni de sa compétence guerrière, mais de sa sagesse. Ce qui est ici en jeu, en effet, c’est bien la force morale et spirituelle qui habitait toute sa personne, jusque dans sa fragilité même, et qu’elle a su communiquer et partager à son Roi, à son pays, et à ses rudes compagnons d’armes.

Quelle était alors cette sagesse ?

 Jeanne d’Arc était « bonne chrétienne » selon les mots qui reviennent dans de si nombreux témoignages, et elle était sainte, comme l’a reconnu l’Eglise. Ainsi la « Sagesse » qui l’habitait ne pouvait être autre que celle que le Christ propose à tous ses disciples. Nous le savons, sur l’étendard de Jeanne était inscrit en majuscules le nom même de JÉSUS, qui était son vrai Roi.

Cette sagesse que Jésus propose à ses disciples, et qui brille dans la vie de tous les saints, nous venons de l’écouter dans l’Evangile qui vient d’être proclamé parmi nous. C’est tout simplement la folie de la Croix qui vient contester dans le monde et en nous tout ce qui est faux, injuste et calculateur.

Cette sagesse, qui est un chemin de vie, nous venons de l’entendre de la bouche du Seigneur lui-même :

« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

Et cette sagesse totalement paradoxale et profondément vraie s’exprime encore en ces paroles :

« Celui qui veut sauver sa vie la perdra,
mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera ».

A la suite de Jésus, comme tous les saints, Jeanne a compris qu’une vie n’a de sens, c’est-à-dire qu’elle n’est vraiment vivante, que si elle est offerte librement, dans l’obéissance de l’amour, pour que d’autres aient la vie. C’est là le secret de sa force et de sa liberté qui ont confondu tous ces gens puissants et savants qu’elle a dû affronter dans le drame de sa vie.

A la suite de Jésus, Sainte jeanne a vécu, dans son innocence et sa fragilité, une liberté et une détermination radicales face aux puissances qui, à son époque comme à d’autres, semblent gouverner le monde, ces puissances  qui n’ont pourtant jamais le dernier mot, car le dernier mot appartient toujours à la Vérité de l’Amour.

En vivant la sagesse de la Croix à la suite de Jésus, Jeanne ne s’est jamais inclinée que devant la volonté aimante de Dieu entre les mains duquel elle s’est toujours pleinement abandonnée.

Nous le voyons bien : il n’y a qu’un pas et beaucoup de ressemblance entre la Croix de Jésus élevée sur le Golgotha de Jérusalem, et le bûcher de Jeanne dressé à Rouen. Mais c’est la passion du Christ qui fonde et qui enchâsse celle de Sainte Jeanne d’Arc, qui lui prête sa raison d’être et son dynamisme le plus intérieur.

Comme le rappelle la préface de la messe qui célèbre la mémoire des martyrs :

« C’est la puissance de Dieu qui se déploie dans notre faiblesse quand il donne à des êtres fragiles de lui rendre témoignage, par Jésus le Christ notre Seigneur ».

Ainsi, au cœur de cette journée radieuse où Orléans fête sa libération par une humble pucelle venue de Lorraine (et née à Domremy…), en ce jour où notre pays se retrouve pour célébrer une des figures les plus étonnantes et les plus attachantes de son Roman national, l’Eglise nous propose ici de contempler et de recueillir ce dynamisme intérieur qui a animé la vie et les combats de Jeanne, ce qui fut vraiment l’âme de sa Passion au double sens de ce mot.

Et ce qui nous rassemble ici, en cette cathédrale, est bien plus qu’une évocation ou une commémoration : il s’agit d’un Mémorial où le passé est intériorisé et rendu présent afin qu’il nous inspire pour aujourd’hui et nous aide à ouvrir l’avenir. Nous le faisons d’ailleurs à l’intérieur du grand Mémorial de la Messe, où l’Esprit Saint rend vraiment présent le sacrifice de Jésus pour qu’il nous « inspire » (au sens le plus profond du terme) lorsque nous y communions, et pour que nous soyons déjà comblés des biens à venir, dans l’attente de son retour.

C’est ce même Esprit-Saint qui a animé la vie de Ste Jeanne d’Arc et nous la rend vraiment présente dans ce grand Mystère de solidarité spirituelle que nous aimons nommer : la Communion des saints.

Ainsi, avec la grâce de Dieu, nous voulons recueillir et faire nôtres cette liberté, ce courage et cette abnégation si noble qui se sont déployés avec tant d’éclat dans la vie de Jeanne d’Arc.

Et nous, chrétiens, nous voulons y voir cette foi, cette espérance et cette charité qui sont le patrimoine commun de tous les saints, mais qu’elle a engagés de manière si concrète et décisive pour la liberté et la paix d’un Royaume terrestre.

Ainsi la sagesse évangélique de la Croix n’a pas fait de Jeanne une illuminée ou une recluse qui se serait volontairement exilée de l’histoire de ses contemporains ; bien au contraire, elle s’y est pleinement engagée au point même que, nous pouvons tous en convenir, elle a contribué de manière décisive à « faire l’histoire » de son temps.

Et voilà que son témoignage nous est précieux aujourd’hui, parce qu’il nous pose une question essentielle : comment le dynamisme de la foi peut-il être source d’un engagement résolu et créatif dans l’histoire et dans la Cité des hommes ? Cette question, frères et sœurs, est bien plus fondamentale, bien plus vitale que nos éternels débats sur la possible expression publique du fait religieux, débats auxquels se résume souvent une laïcité trop pauvrement conçue. La dynamique féconde que la foi peut apporter à la vie de la Cité ne figure pas dans la Loi, les règlements ou les circulaires, mais elle n’en est pas moins réelle, et même essentielle.

L’histoire de la célébration de Jeanne d’Arc dans notre pays nous donne un témoignage très éclairant. Après les affrontements politico-religieux du début du 20e siècle, la tragédie de la 1ere guerre mondiale a obligé notre pays à mobiliser sans réserve et sans distinction toutes les forces morales et spirituelles qui le faisaient vivre. Dans cette « union sacrée », les chrétiens ont mis toutes les ressources de leur foi, et ils ne furent pas en reste pour figurer, avec d’autres, au premier rang de ce dramatique combat que l’histoire imposait à leur pays. Ces heures tragiques ont produit ces retrouvailles entre la République et l’Eglise, dans l’estime et la reconnaissance (non pas au sens légal, mais au sens moral), et c’est sous l’égide de Jeanne d’Arc, célébrée en commun, que le dynamisme civique et patriotique des croyants a été pleinement reconnu.

Car nous le savons, frères et sœurs, une société ne se construit pas sur le cynisme, l’opportunisme, la fausse sagesse du « chacun pour soi », le faux idéal « du toujours plus » ou du « tout et tout de suite ». Elle ne peut que s’édifier sur le respect de la personne humaine, particulièrement des plus fragiles, sur le souci constant du bien commun, sur le combat opiniâtre pour la justice et pour la paix. Tout cela requiert des convictions et des vertus, un esprit de service et même de sacrifice, des renoncements fréquents et de l’abnégation. Et tout cela doit être animé par une invincible espérance que les croyants aiment partager avec d’autres au sein de la patrie commune.

Nous comprenons alors que la sagesse de la croix, si décalée au premier abord, est une vraie sagesse qui édifie : et que l’homme et la Cité y trouvent un authentique dynamisme de vie et de communion.

Et nous croyons alors que l’histoire de la sainteté n’est pas une histoire parallèle ou strictement privée ; en effet, elle ne cesse de croiser, de féconder et de régénérer l’histoire des hommes, car c’est dans la Cité des hommes que s’édifie la Cité de Dieu.

C’est ce que nous montre avec tant d’éloquence le bouleversant témoignage de Sainte Jeanne d’Arc et les célébrations qui nous rassemblent en ce jour dans une vraie communion des cœurs.

C’est surtout la responsabilité que nous accueillons aujourd’hui pour nous-mêmes : que la sagesse évangélique de la Croix ne cesse de nous porter au combat pour la liberté et la dignité de tous les enfants de Dieu, là où nous sommes et avec d’autres, quelle que soit la fragilité de nos personnes et la pauvreté de nos moyens.

Enfin, c’est la grâce que nous demandons en cette Eucharistie, par l’intercession de Sainte Jeanne d’Arc. Nous allons y recevoir le Seigneur lui-même. Alors demandons, avec l’intrépidité de cette jeune et grande sainte, que la force de Dieu se déploie dans notre faiblesse, lui qui sait donner à des êtres fragiles de pouvoir lui rendre témoignage, par Jésus-Christ notre Seigneur.

Amen.

+Didier BERTHET
Evêque de SAINT-DIÉ

 

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