Vous l’avez remarqué : les rues, les vitrines, les publicités n’ont pas attendu l’Avent pour se mettre à l’heure de Noël. Pas le Noël de la Nativité hélas. Celui du Père-noël, ambassadeur sucré d’une boisson gazeuse, représentant de commerce infatigable, agent marketing efficace qui a d’ailleurs fini par ouvrir sa hotte aux adultes, avec bourses d’échange et bons de remboursement pour les cadeaux qui auraient pu déplaire… Dans cette avalanche de guirlandes et de décorations, d’annonces commerciales juteuses, quelle place pour les crèches, pour Marie, Joseph et l’enfant Jésus ? Seraient-ils devenus persona non grata dans cette fête qui leur doit pourtant tout ? Cette fête dont l’esprit nous ramène à l’humilité, à la simplicité et à l’essence même de l’émerveillement ?

Loin de moi l’idée de bouder le décor merveilleux dont nous entourons la fête de Noël, ou de faire de la polémique, ni de gloser sur la dangerosité du glissement de la laïcité vers le laïcisme, avec irruption policière de l’Etat dans les sphères les plus intimes de la vie – celles du sacré et des liturgies familiales.

Mais je voudrais simplement souligner la gravité du risque que présente cette disparition si elle se généralise dans l’espace public, et alors dans l’espace privé. L’Avent, la Crèche, la mise en scène de l’Incarnation de Dieu dans ce nourrisson démuni, tous présentés au coeur d’une fête dévolue aux enfants, a la vertu d’ouvrir le coeur des plus jeunes au premier des Mystères. Dans sa représentation merveilleuse, née de la Légende dorée, les plus petits peuvent s’identifier à cette adoration, et se sentir invités à faire un premier pas dans la compréhension de cet inépuisable mystère de l’Incarnation. La douceur de l’âne et du boeuf autour du berceau, dans notre monde de plus en plus urbain, rappelle aux enfants les liens de l’homme avec la création, et que cette alliance une première fois contractée dans le jardin d’Eden, est renouée dans cette Théophanie.

Bien sûr, la crèche est toujours présente dans les foyers et dans les églises, mais sa disparition programmée de l’espace public marque de façon très attristante le deuil d’une communion générale et  la fin de cette Trêve de Noël qui, le temps de ce mystère par quoi tout a commencé, appelait la paix sur tous les hommes de bonne volonté. Tout aussi tristement, elle révèle le refus d’une reconnaissance publique et objective de ce que cet enfant a apporté à notre monde depuis 2016 ans qu’il est né : l’humanité – et avec elle l’Espérance et l’Amour universel et miséricordieux.