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Où sont les hommes ?

Fête des Pères 2022 – Billet d'humeur du Père Piotr K. Wilk

Qui osent, proposent un avenir meilleur, un remède au malheur…
Qui disent haut et fort que l'amour n'est pas mort et qui espèrent encore…
Qui lèvent leurs yeux et leurs mains vers le ciel implorant le pardon…
Qui, quand ils parlent à Dieu, sont prêts à écouter un jour ce qu'il répond.  Où sont les hommes ? 

Patricia KAAS  (Écouter la chanson)
 

La question de Patricia Kaas rappelle la complexité de la réponse. D’un côté nous sommes dans l’attente de retrouver un modèle, un idéal d’un vrai homme, un remède pour tous les problèmes, de l’autre une pression sociale, un désir déçu et perturbé par la crise du « vrai homme ». La question de l’homme est entièrement comprise et trouve sa réponse, sa finalité dans la paternité.

La crise de la paternité et la crise de la masculinité ont été aggravées depuis une quarantaine d’années : depuis la révolution industrielle et le mouvement du mai 1968 avec son slogan : « Il est interdit d’interdire. »  Les deux crises se renforcent l’une l’autre et sont liées. La masculinité est réduite à une caricature, confondue avec le machisme, la violence, l’alcoolisme, le viol, la pornographie. Le masculin est sali, diminué, diabolisé. Cela se traduit par un problème d’identité qui vient peut-être de l’absence de père.

Notre société cherche le père. On veut connaitre ses origines. Stromae chante : « Où t'es ? Papa où t’es ? »  On veut retrouver l’image paternelle comme garantie essentielle de nos vecteurs relationnels. Sa présence met homme, la femme, la famille en confiance et en sécurité. La suite de la chanson nous montre cela : « Dites-moi d'où il vient, Enfin je saurai où je vais… Tout le monde sait comment on fait des bébés, Mais personne ne sait comment on fait des papas ». Il y a encore une autre artiste qui montre cette nécessité du contact, de la présence du père dans la vie. Céline Dion, dans sa chanson : « Je voudrais parler à mon père… Je voudrais retrouver mes traces, Où est ma vie, où est ma place ?... Je voudrais partir avec toi, Je voudrais rêver avec toi, Toujours chercher l'inaccessible, Toujours espérer l'impossible…Mais avant tout, Je voudrais parler à mon père »  exprime sa nostalgie du manque de contact avec le père.

« Toute la psychologie génétique nous apprend l’extraordinaire influence du modèle paternel qui renforce l’identification de l’être » disait Antoine Vergote. Le rôle du père apparaît comme autorité, puissance, force, législateur, norme et juge. En même temps il est distant et dynamique, inébranlable et il apporte la clarté, il oriente vers l’avenir. Il prend l’initiative et il est source de prestations. Jean-Marie Tchalla disait : « Qui vit sans père est sans repère. Qui vit sans repère, manque d’orientation ».

Cette évaluation peut être aussi observée dans la tradition du Premier Testament. Déjà Moïse, devant le Buisson ardent, reconnait le Seigneur comme origine et père de toutes choses.  Dieu se révèle à nous sans réserve, au delà de tout ce que nous pouvions espérer.

L’image de Dieu est plus riche que l’image paternelle parce qu’elle comporte aussi les qualités maternelles, une harmonie de contrastes : tout-puissant comme Créateur, Seigneur des Armées et, en même temps, tout-petit dans le mystère de Noël comme un enfant sur la paille d’une mangeoire à Bethléem. À voir, le tableau de Rembrandt : Père Miséricordieux, surtout ses mains sur les épaules du fils prodigue qui représentent à la fois une main d’un père et l’autre d’une mère.

En l’absence des valeurs maternelles et paternelles, le désir humain finit par s’éteindre. Cette absence est responsable des énormes dysfonctionnements des hommes. L’abandon peut être source de complexes et déstabilise le fonctionnement émotionnel. La conscience d’être orphelin alourdit le développement personnel et marque toute la vie. Il nous faut l’expérience de la sécurité, du bonheur et de l’intégrité pour pouvoir espérer et, dans la vie, retrouver sa place avec confiance. Donc l’avenir ne nous fait plus peur. Denis Lord a dit : « Un père n’est pas celui qui donne la vie, ce serait trop facile, un père c’est celui qui donne l’amour. »

Au cœur de l’incertitude, la paternité est une révélation qui ne se voit pas mais qui se dit. La parole est ce lieu qui engendre, qui donne vie parce qu’elle est à la fois appel et promesse. Le père est essentiellement celui qui prononce la parole de reconnaissance.

C’est la même chose pour notre Dieu qui est Père de façon absolue, dans son être même. Le bibliste François-Xavier Durrwell explique : « Un père humain est lui-même fils de quelqu’un, alors que Dieu est le Père inengendré, l’origine sans origine ».  Les paternités humaines ne sont que des participations plus ou moins réussies de la paternité originelle : notre source et notre model paternel sont au ciel. 

Connaitre, être avec le père stabilise et donne le statut : filiation.

Dans l'Évangile de Saint Jean 14,8-11,  il y a ce dialogue : Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ?  Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; le Père qui demeure en moi fait ses propres œuvres.  Croyez-moi : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne me croyez pas, croyez du moins à cause des œuvres elles-mêmes. »  Quel est ce "Père" invisible et pourtant en principe connaissable à travers le Fils, Jésus, proche de l’homme ?  Quel est ce "Père" dit "tout-puissant" et que veut dire cette toute-puissance que nous aimerions voir s’exercer pour supprimer le mal du monde ?  Quel est ce "Père" de tous les hommes qui nous fait "frères" les uns des autres ? »

Pour approfondir le sujet, Jean-Pierre Batut souligne que le Credo dit bien : « Je crois en Dieu le Père tout-puissant » et non pas en un « Dieu créateur tout-puissant ».  Alors que la toute-puissance biblique est puissance sur le "tout", la toute-puissance à laquelle nous pensons spontanément est une capacité de tout faire. La première est relationnelle, la seconde est absolue. La première est autorité, la seconde est pouvoir. La première est paternelle, la seconde est – ou pourrait être – despotique. C’est pourquoi l’histoire des hommes est chaotique, faite de retours et de retombées, jusqu’à ce qu’enfin elle prenne son envol vers son but après tant d’essais infructueux.

Finalement, nous ne cherchons pas le maître mais les bras ouverts d’un père. Et comme dit Jules Renard : « Le père a deux vies, la sienne et celle de son fils. »

Alors quelle est la recette pour trouver les hommes qui ont le sens de leur paternité ?

Leur apprendre la responsabilité à la manière de Saint Joseph. Etre présents et savoir être en relation avec Dieu le Père.

Pour terminer, il ne reste qu’à implorer le saint Joseph :

Salut, gardien du Rédempteur,
époux de la Vierge Marie.
À toi Dieu a confié son Fils ;
en toi Marie a remis sa confiance ;
avec toi le Christ est devenu homme.

O bienheureux Joseph,
montre-toi aussi un père pour nous,
et conduis-nous sur le chemin de la vie.
Obtiens-nous grâce, miséricorde et courage,
et défends-nous de tout mal. Amen

(extrait de Patris corde)

 

Père Piotr K. WILK

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